Selon saint Luc

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Vitrail de Nonancourt

lundi 29 octobre 2018

Au fil de Luc, 13, 18-21 - le grain - Maxime de Turin

« Un homme a pris une graine de moutarde et l'a jetée dans son jardin ; elle pousse et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s'abritent dans ses branches. » Cherchons à qui s'applique tout cela... Je pense que la comparaison s'applique plus justement au Christ notre Seigneur qui, en naissant dans l'humilité de la condition humaine, comme une graine, monte finalement au ciel comme un arbre. Il est grain, le Christ broyé dans la Passion ; il devient un arbre dans la résurrection. Oui, il est une graine quand, affamé, il souffre de manquer de nourriture ; il est un arbre quand, avec cinq pains, il rassasie cinq mille personnes (Mt 14,13s). Là il subit le dénuement de sa condition d'homme, ici il répand le rassasiement par la force de sa divinité.

Je dirais que le Seigneur est grain lorsqu'il est frappé, méprisé, injurié ; il est arbre quand il rend aux aveugles la vue, qu'il ressuscite les morts et remet les péchés. Lui-même reconnaît qu'il est grain : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas... » (Jn 12,24) (1)


Comme le suggère aussi Ignace d'Antioche, je voudrais être à son tour le froment de Dieu 


(1) Saint Maxime de Turin, CC Sermon 25 ; PL 57, 509s (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 123), source Evangelizo 


dimanche 28 octobre 2018

Au fil de Luc 13, 10 - Chemins de liberté

« En ce temps-là, Jésus était en train d'enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat. Voici qu'il y avait là une femme, possédée par un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser.
Quand Jésus la vit, il l'interpella et lui dit : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité. »
Et il lui imposa les mains. À l'instant même elle redevint droite et rendait gloire à Dieu » (Luc 13, 10-12) TL

Commentaire :
Une lecture spirituelle pourrait voir l'Église pécheresse dans les bras de Dieu et notre méditation devient prière. Seigneur, vois nos addictions et nos adhérences au mal, redresse nous de ce qui nous conduit au mal, aide-nous à nous libérer de ce qui nous éloigne de toi.
« C'est pour la liberté que le Christ nous a libérés » (Ga 5,1). En lui, nous communions à « la vérité qui nous rend libres » (Jn 8,32). L'Esprit Saint nous a été donné et, comme l'enseigne l'apôtre Paul, « là où est l'Esprit, là est la liberté » (2Co 3,17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la « liberté des enfants de Dieu » (Rm 8,21).(1)

(1) citations reprises du CAC n.1739-1742, source Evangelizo

jeudi 25 octobre 2018

Au fil de luc 12 - Paix et division - Homélie du 25/10/18

Les textes d’aujourd’hui ne sont pas simples. Il y a une apparente contradiction entre ces deux lectures. D’un côté nous avons l’Épître aux Éphésiens qui déjà, comme nous l’avons entendu mardi, dans le chapitre 2, nous annonçait «La bonne nouvelle de la paix » (Éphésiens‬ ‭2:17‬) ‭et qui nous invite aujourd’hui à une des plus belles contemplations de l’amour de Dieu en Christ. De l’autre, nous avons Jésus qui nous parle de division. Il y a là ce qui s’appelle une tension. Un terme qui en théologie est toujours constructif. Prenons le temps de contempler d’abord la première lecture avant de saisir l’enjeu de cette tension apparente.

Goûtons d'abord aux métaphores vives : « Restez enracinés dans l'amour, établis dans l'amour. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu »

L’auteur nous appelle même à  « tomber à genoux devant le Père » (...) à contempler le don que Dieu nous fait et surtout à  saisir l’immensité de ce don (...) « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… ».

Quand on se tourne en arrière et contemple le don de Dieu, il y a bien, en effet, de quoi tomber à genoux. C’est peut-être la première étape. La contemplation...
Bonaventure avait sur ce point une image très belle : nous sommes comme un homme à genoux dans le fleuve de l’amour et muni d’une petite amphore. Un récipient qui reste bien menu par rapport « au don de Dieu ». Quel est ce don ? C’est « l’amour du Christ » nous précise l’auteur. Un amour sans limite.

« Toute la terre, Seigneur, est remplie de ton amour. (cf. Ps 32, 5b) avons nous répété dans l’antienne du psaume.

Mais voilà que saint Luc nous parle de division. Que veut-il nous dire ? Un premier indice est qu’il évoque le feu. Qu’est-ce que le feu ?
Dès les premiers livres du premier testament, comme en Exode 3, dans le récit du buisson ardent, le feu est marqué comme signe de Dieu. Il est d’origine divine. Et Moïse entends le même appel que celui de la première lecture. Enlève tes sandales. Contemple le feu. C’est une première piste. Il est intéressant de noter à ce stade que pour certains commentateurs de cet épisode du buisson ardent (1) le feu est déjà une évocation de la Croix.
Quand Jésus dit à ses disciples :  « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » il parle clairement de sa Croix. Et c’est bien cela que nous devons contempler dans la foulée de notre première lecture (Éphésiens 3).
Prenons le temps d’en voir la hauteur, la profondeur. La Croix est l’amour jusqu’au bout. Il ne fait plus de concessions. Le choix de l’amour est sans retour. Et c’est là où Jésus nous interpelle.
Aimons nous au point de lui préférer nos attaches humaines ?
Sommes-nous prêts à tout abandonner pour le suivre ?

Une première piste de lecture est de mettre l'affirmation de Luc au contexte de l’époque. On se situe en 80. Dans le contexte historique d’une scission entre juifs et chrétien, la division devait être à son comble : «  cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fil et le fils contre le père. » (2).  Luc décrit probablement une réalité de son temps, mais aussi celle des temps derniers.

Mais peut-on s'arrêter là ?
Que dire aujourd’hui ? Ne sommes nous pas aussi divisés ?
On peut avoir trois autres lectures. La première est d’ordre morale.
Si nous restons tranquilles dans nos habitudes, dans le confort d’une foi personnelle, nous pouvons éteindre le feu de l’amour.
S’il brûle en nous, il nous faut affronter le monde, y compris nos plus proches pour mettre Dieu au centre, pour mettre l’amour au centre. Et c’est peut-être là que Dieu nous attend. Si l’on sort le feu de Dieu du boisseau où nous le cachons trop souvent, il doit nous embraser… Mais le danger est de sombrer dans la morale, d’être source de division. Ce n’est pas le chemin de la Croix.

La dernière lecture est plus intérieure. Elle est liée. C’est celle du combat spirituel. Le feu va être alors le moyen de purifier ce qui, en nous, reste divisé.
Au bout du chemin, nous le sentons, l’enjeu est de ne pas fuire dans la contemplation. Il est plutôt de se laisser mouvoir par l’amour. Les deux textes sont là pour nous inviter à avancer, même s’il faut pour cela déranger nos proches, aller à l’essentiel, quitter notre confort, cesser d’être immobiles.

La troisième piste de lecture est probablement la plus intéressante. Elle est cursive. C’est à dire qu’elle reprend la direction donnée par Luc dans son Evangile.

« Soyez sans crainte », Lc 12, 7 disait déjà Luc au début du chapitre. C’est nos paralysies qui freinent sans cesse la diffusion de la bonne nouvelle. Nul n’échappe à ces enfermements intérieurs, à cette peur du jugement des autres et des divisions qu’il génère. Seigneur donne nous ton Esprit. Allume en nous le feu. À l’image de celui qui a saisi les apôtres, du feu qui les a fait sortir de leur tanière et proclamez la bonne nouvelle.

Le feu qui brûle en nous est celui du buisson ardent. Il ne nous détruit pas. Il nous conduit à genoux devant la Croix. Il est amour. En étant amour, nous entrons dans les pas de Dieu. La tension du départ prend sens. Nous sommes porteurs de la bonne nouvelle de la Paix. Les divisions viennent de ceux qui ne reconnaissent pas la Croix. Notre feu c’est l’amour.

  1. Cf. Benoit XVI, in  Jésus de Nazareth
  2. Eph 3 et Luc 11, source Textes liturgiques AELF

mercredi 24 octobre 2018

Au fil de Luc 12 - Sois sans crainte - Suite

Suite du post précédent : 

« Sois sans crainte » glissait déjà l'ange à Marie, selon les premiers versets de Luc, [qu'il dit aussi à Zacharie et aux anges](1). « L'esprit te couvrira de son ombre » (...) et si « un glaive te transperce » (Lc 1, 35) et te divise jusqu'aux « jointures de l'âme » (Heb 4, 12), Dieu sera avec toi. 


Le feu trinitaire est dans La Croix. Il est plus que le feu des prêtres de l'ancienne Alliance (cf. notamment 1R18). Il est plus que la Croix. Il en est le fruit. Il est don de Dieu, c'est l'Esprit de Dieu lui même qui vient nous visiter. C'est l'Esprit de Paix, la bonne nouvelle de la Paix dont parle Éphésiens 2.

La tension prend sens...


Commentaire de saint Jérôme : 

L'ordre est nécessaire en toute affection. Aime ton père, aime ta mère, aime tes fils après Dieu. S'il devient inévitable de mettre en balance l'amour de ses parents et de ses enfants avec l'amour de Dieu sans qu'il soit possible de les conserver tous les deux, alors, ne pas préférer les siens est piété envers Dieu. (2)


(1)  Luc 1, 13, 30; 2, 13


(2) Saint Jérôme, Commentaire sur Matthieu I, 34-37 ; SC 242 (trad. SC p 207-209 rev.)

Au fil de Luc, 12, 35-38 - servir

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
  « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte.
    Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller.
Amen, je vous le dis : c'est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.
    S'il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu'il les trouve ainsi,heureux sont-ils ! » (1)
A contempler 
(1) Luc 12, 35-38, source AELF 
Publié dans Chemins de lecture... le 10/23/2018 05:03:00 AM 

Au fil de Luc 12, 7 - Soyez sans crainte

« Soyez sans crainte », Lc 12, 7

Ce sont nos paralysies qui freinent sans cesse la diffusion de la bonne nouvelle. Nul n'échappe à ces enfermements intérieurs, à cette peur du jugement extérieur. 
Seigneur donne nous ton Esprit. À l'image du souffle qui a saisi les apôtres, du feu qui les a fait sortir de leur tanière. 

Publié dans Chemins de lecture... le 10/22/2018 10:21:00 PM


Au fil de Luc 11, 27-28, les manducateurs du Verbe


« En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t'a porté en elle, et dont les seins t'ont nourri ! »
Alors Jésus lui déclara : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » Luc 11,27-28

Surprenant passage qui comme dans Jean 2 (Cana) pourrait penser que Jésus méprise sa mère. Saint Augustin corrige cette impression avec délicatesse : « Marie était bienheureuse, parce que, avant même d'enfanter le Maître, elle l'a porté dans son sein.
Voyez si ce que je dis n'est pas vrai. Comme le Seigneur passait, suivi par les foules et accomplissant des miracles divins, une femme se mit à dire : « Heureux, bienheureux, le sein qui t'a porté ! » Et qu'est-ce que le Seigneur a répliqué, pour éviter qu'on ne place le bonheur dans la chair ? « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! » Donc, Marie est bienheureuse aussi parce qu'elle a entendu la parole de Dieu et l'a gardée : son âme a gardé la vérité plus que son sein n'a gardé la chair. La Vérité, c'est le Christ ; la chair, c'est le Christ. La vérité, c'est le Christ dans l'âme de Marie ; la chair, c'est le Christ [en] Marie. Ce qui est dans l'âme est davantage que ce qui est dans le sein. Sainte Marie, heureuse Marie !.. Mais vous, mes très chers, regardez vous-mêmes : vous êtes les membres du Christ, et vous êtes le corps du Christ (1Co 12,27)... « Celui qui entend, celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère »... Car il n'y a qu'un seul héritage. C'est pourquoi le Christ, alors qu'il était le Fils unique, n'a pas voulu être seul ; dans sa miséricorde, il a voulu que nous soyons héritiers du Père, que nous soyons héritiers avec lui (Rm 8,17).(1)

Il nous reste un chemin, plus profond que celui de la chair (entendez par là le monde et ses attractions temporelles) celui d'une lente manducation de la Parole. Erri de Luca, dans « Le nom de la mère » nous y conduit à sa façon (2). Le Verbe qui dort en nous provoque des tressaillements subtils. C'est la trace d'un Dieu fragile qui se réveille sans bousculer notre liberté. Écoutons le.

(1) Saint Augustin, Sermon sur l'évangile de Matthieu, n° 25, 7-8 ; PL 46, 937 (trad. bréviaire 21/11), source Evangile au quotidien 
(2) Gallimard, édition folio, 2008. La traduction n'étant pas à la hauteur du texte italien.


Publié dans  Chemins de lecture... le 10/13/2018 07:25:00 AM

Au fil de Luc 11,15-26. - Le doigt de Dieu

« Mais si c'est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c'est par le doigt de Dieu que j'expulse les démons, c'est donc que le règne de Dieu est venu jusqu'à vous. Quand l'homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l'a dépouillé. Celui qui n'est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. » Quand l'esprit impur est sorti de l'homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer. Et il ne trouve pas. Alors il se dit : "Je vais retourner dans ma maison, d'où je suis sorti." En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors il s'en va, et il prend d'autres esprits encore plus mauvais que lui, au nombre de sept ; ils entrent et s'y installent. Ainsi, l'état de cet homme-là est pire à la fin qu'au début. » (Luc, 11, 20-26)

Qu'est-ce que le doigt de Dieu ? Dans l'Ancien testament, c'est celui qui trace les tables de la loi (cf. Ex 31, 18). N'est-ce pas finalement Celui qui trace au plus intime de l'homme la Parole du Verbe dans sa Chair. L'Esprit de Dieu ne nous appartiens pas. Il n'est pas nécessairement transmis par voie hiérarchique, auto-attribué aux clercs par un sacrement. Plus foncièrement, il continue de « souffler où il veut ». (Jn 3). L'ordre n'est pas une distinction mais une imitation et une responsabilité. La tentation qu'exploite bien le Malin est de laisser croire qu'on est des purs. Notre purification n'est qu'illusion. La véritable pureté est dans la kénose. Un long et difficile chemin pour celui qui reçoit le sacrement de l'ordre.(1)

Dieu caché,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce fruit nouveau-né
Dans la nuit qui t'engendre à la terre ;
Tu dis seulement
Le nom d'un enfant :
Le lieu où tu enfouis ta semence.

℟Explique-toi par ce lieu-dit :
Que l'Esprit parle à notre esprit
Dans le silence !

Dieu livré,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce corps partagé
Dans le pain qui te porte à nos lèvres ;
Tu dis seulement :
La coupe du sang
Versé pour la nouvelle confiance. ℟

Dieu blessé,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que cet homme humilié
Sur le bois qui t'expose au calvaire !
Tu dis seulement :
L'appel déchirant
D'un Dieu qui apprendrait la souffrance. ℟(2)

Peut on entre dire ce que nous dit l'auteur de la lettre de Timothée ?
« Si quelqu'un donne un enseignement différent, et n'en vient pas aux paroles solides, celles de notre Seigneur Jésus Christ, et à l'enseignement qui est en accord avec la piété, un tel homme est aveuglé par l'orgueil, il ne sait rien, c'est un malade de la discussion et des querelles de mots. De tout cela, il ne sort que jalousie, rivalité, blasphèmes, soupçons malveillants, disputes interminables de gens à l'intelligence corrompue, qui sont coupés de la vérité et ne voient dans la religion qu'une source de profit.Certes, il y a un grand profit dans la religion si l'on se contente de ce que l'on a. De même que nous n'avons rien apporté dans ce monde, nous n'en pourrons rien emporter. Si nous avons de quoi manger et nous habiller, sachons nous en contenter. Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans le piège de la tentation, dans une foule de convoitises absurdes et dangereuses, qui plongent les gens dans la ruine et la perdition. » (1 Tm 6, 3-9)
« un véritable progrès dans la foi, (...) [n'est-ce pas finalement prendre conscience que la véritable sagesse] du vieillard a d'abord été en germe chez l'enfant ? Il n'y a donc aucun doute : la règle de tout progrès légitime et la norme précise de toute croissance harmonieuse, c'est que le nombre des années révèle chez les plus grands la forme des membres que la sagesse du Créateur avait ébauchée lorsqu'ils étaient enfants. (...) Ainsi, lorsque le grain des semailles a poussé avec le temps et se réjouit maintenant de mûrir rien cependant ne change des caractères propres du germe.(3)
Notre Sagesse ne vient que de Dieu.
« Tout est grâce »(4)
(1) cf. mon prochain post sur « La tentation cléricale »
(2) Hymne, source AELF 
(3) Saint Vincent de LÉRINS, Commonitorium, source AELF 
(4) pour reprendre l'expression célèbre de Bernanos 

Au fil de Luc 11 - Les trois pains

Une lecture spirituelle du texte nous est donnée par Saint Bonaventure.
Elle nous conduit très loin dans la contemplation : « Si l'un d'entre
vous ayant un ami s'en va le trouver au milieu de la nuit pour lui dire
: "Mon ami, prête-moi trois pains, car l'un de mes amis est arrivé de
voyage et je n'ai rien à lui offrir" » : Selon l'intelligence
spirituelle, par cet ami, on entend le Christ. « Je ne vous appelle plus
serviteurs, je vous appelle amis » (Cf. Jn 15, 15). Il faut aller vers
cet ami, de nuit, c'est-à-dire dans le silence de la nuit, comme vint
Nicodème au sujet duquel il est dit « qu'il vint trouver Jésus de nuit »
(Cf. Jn 3,2). Et en premier lieu parce que dans le silence secret de la
nuit, il faut frapper par la prière, selon Isaïe : « La nuit, mon âme te
désire » (Is 26,9). Ou bien dans la nuit, c'est-à-dire dans la
tribulation, selon Osée : « Dans leurs tribulations, ils se lèveront dès
le matin » (Os 5,15 Septante).
En effet, l'ami qui arrive de voyage, c'est notre esprit qui revient à
nous aussi souvent qu'il s'est éloigné par les biens temporels. Le
plaisir fait s'éloigner cet ami, mais la tribulation le ramène, comme il
est dit plus loin, en Luc , au sujet du fils prodigue qui s'est éloigné
à cause de la luxure et qui est revenu à cause de la misère (Cf Lc
15,11-32). Celui qui revient rentre en lui-même, mais il se trouve vide
de la consolation des nourritures spirituelles.
Pour cet ami affamé, il faut donc demander à l'ami véritable trois
pains, c'est-à-dire l'intelligence de la Trinité, soit le nom des trois
personnes, afin qu'il trouve sa nourriture dans la connaissance du Dieu
unique. Ou bien ces trois pains sont la foi, l'espérance et la charité,
par lesquelles est nommée une triple vertu dans l'âme. À leur sujet, au
livre des Rois, [on lit] : « Quand tu arriveras au chêne de Tabor, tu y
rencontreras trois hommes montant vers Dieu à Béthel, l'un portant trois
chevreaux, l'autre trois miches de pain et le dernier portant une outre
de vin » (1R 10,3 Septante =1S 10,3), afin qu'en cela soient comprises
l'unité de la grâce et la trinité des vertus par lesquelles l'image de
Dieu est formée dans l'âme. »(1)

(1) Saint Bonaventure, Commentaire de l'Évangile selon S. Luc, (trad.
André Ménard, Études Franciscaines 2008, p.44, rev.), source Evangile au
quotidien